C'est une passion entre l'un des plus vieux
clubs de l'hexagone et la doyenne des compétitions françaises. Une
idylle quelque peu vieillissante, mais qui chaque année est
ravivée... et ça depuis près d'un siècle. Alors que le Red Star
reçoit Caen en 32ème de finale ce samedi, retour sur la relation
très particulière qui unie le club audonien et « Dame
Coupe ».
Aujourd'hui, lorsque l'on parle à un
amateur de football de l'équipe du Red Star, les premiers mots qui
lui viennent à l'esprit peuvent être « Jules Rimet »,
« club populaire », mais surtout « Coupe de
France ». En effet, la majorité de la renommée du club
banlieusard repose sur ses coups d'éclats dans cette compétition.
Tout deux centenaires, ces deux dinosaures du football français ont
pendant longtemps été étroitement liées. Créée en 1917 sous
l'impulsion d'Henri Delaunay, la Coupe de France s'est très vite
imposée comme la compétition phare française. Et qui dit grande
compétition, dit forcément grandes équipes ! Créée vingt
ans plus tôt, l'Etoile Rouge est alors emmené par une pléiade
d'internationaux comme le gardien Pierre
Chayriguès, le capitaine Lucien Gamblin, ou encore le buteur Paul
Nicolas. Affublés de leurs maillots marine et blanc, les Redstarmen
emportent tout sur leur passage durant l'après-guerre. Ainsi, le
Challenge de la renommé en 1919 et le championnat de Paris l'année
suivante passent sous pavillon audonien. Mais la compétition qui a
réellement révélé le Red Star aux yeux du grand public reste la
toute jeune, mais pas moins prestigieuse, Coupe de France. Absents de
la première édition de 1917, les protégés de Jules Rimet ne vont
pas se faire prier pour rattraper leur retard en engrangeant quatre
Coupes dans les années 1920, puis une cinquième durant l'occupation
allemande en 1942.
Un "gardien volant" XXL et une
première Coupe dans l'escarcelle
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Pierre
Chayriguès |
Dès 1921, le
Red Star affronte en finale le tenant du titre, l'Olympique de Paris,
au stade Pershing de Vincennes. Après avoir sortie l'AS Cannes (4-0)
en quart de finale, puis le Racing Club de France de façon
spectaculaire (4-3), l'Etoile Rouge n'est plus qu'à un match de la
consécration face à son grand rival parisien. Première grosse
surprise de cette finale : le retour du gardien star, Pierre
Chayriguès ! Victime d'une fracture de l'épaule en 1919, le portier
audonien n'avait plus fait d'apparition sur un terrain de football
depuis lors. Sous les yeux ébahies des 18 000 spectateurs de
Pershing, le « gardien volant » fait des prouesses face
aux attaquants olympiens. Procédant en contre, le Red Star prend
d'abord l'avantage par Robert Clavel (53'), puis doubla la mise vingt
minutes plus tard par Marcel Naudin (77'). Malheureusement, les
Audoniens perdent Juste Brouzes sur blessure et, faute d'un
changement possible, évoluent à dix contre onze. L'Olympique de
Paris revient à 2-1 à une quinzaine de minutes du terme de cette
finale. Puis à la suite d'une énième parade de Chayriguès,
Darques est sur le point d'égaliser dans les buts vides quand
Gamblin, le capitaine audonien, arrête le ballon de la main sur la
ligne ! L'arbitre, siffle logiquement un pénalty. Et c'est là
que l'expérimenté Lucien Gamblin va se montrer décisif. Tandis que
Jules Dewaquez s'apprête à se mesurer à Pierre Chayriguès,
Gamblin s'approche du jeune attaquant olympien et l'interpelle :
« Ecoute Jules, tu vas louper ce pénalty. Pierrot est
imbattable. Il vaut mieux que je le tire, moi ». Mine de rien,
ce léger "chambrage" déconcentre le gamin de l'Olympique
qui s'élance et frappe trop mollement dans le ballon. Chayriguès
récupère tranquillement le précieux bien tout en remerciant le
malheureux tireur. Le gardien du Red Star est porté en triomphe !
Tel un revenant, il vient de permettre à son club de remporter sa
toute première Coupe de France.
Une domination sans conteste
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L'équipe de 1923 |
L'édition
suivante, le Red Star Club revient à Pershing, sans avoir été
inquiété les tours précédents, pour défendre son titre face au
Stade Rennais. Devant 25 000 spectateurs, les Audoniens prennent un
avantage de deux buts (Paul Nicolas et Sentubéry) fatal aux Bretons.
La fête est totale puisque c'est Jules Rimet, fondateur du Red Star
et alors président de la Fédération française de football, qui
remet la coupe Charles Simon à Gamblin. Pour l’édition 1922-1923,
les Audoniens domine Tourcoing (1-0), Roubaix (4-0), puis l’Olympique
de Paris (1-0) en demi-finale. En finale, l’Etoile Rouge est opposé
au FC Cette, vainqueur de façon litigieuse, sur tapis vert, en
huitième de finale. La partie ne s’éternise pas. En moins d’une
demi-heure, une pluie de buts s’abat sur le stade Pershing. Au bout
de dix minutes, Marcel Naudin par deux fois (2’ et 7’) et Lucien
Cordon (11’) donnent un avantage certain aux Marines et Blancs. Six
minutes plus tard, Robert Joyaux tue le suspens en faveur des
Redstarmen, tandis que Cornelius (16’) et Parkes (27’) réduisent
la marque pour les Cettois (4-2). A Vincennes, le Red Star remporte
sa troisième Coupe de France consécutive et est alors au sommet de
sa grandeur. Le record établi par les Vert et Blanc a été égalé
en 1948 par Lille, puis dépassé l'année dernière par le Paris-SG.
Paul Nicolas, encore et toujours là !
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Paul Nicolas |
Après le
triomphe, le Red Star Club connait des années moins fructueuses, à
cause notamment des fins de carrière de plusieurs de ses joueurs
cadres. En 1924, il est sortie en huitième de finale par Sète
(0-1), tandis que l’édition suivante, c’est le RC Strasbourg qui
vient à bout du club de Saint-Ouen au quatrième tour. Le 26 avril
1926 le Red Star annonce sa fusion avec son rival parisien de
l’Olympique de Paris, pour formé un seul et unique club : le Red
Star Olympique. Les couleurs originelles marines et blancs
disparaissent au profit du vert et blanc de l’Olympique. Malgré
l’opinion défavorable des supporters, cette fusion relance le club
qui remporte en 1928 sa quatrième Coupe de France. Après avoir
écrasé 8-2 le Stade Français, le Red Star Olympique et le CA Paris
se retrouve en finale lors de l’inauguration du stade de Colombes.
Devant 30 000 spectateurs, les joueurs du Red Star évoluent pour la
première fois avec une étoile rouge cousue sur le devant de leurs
maillots blancs. Des buts de Wartel (8’), de Lund (33’) et du
vétéran Brouzes (61’) permettent à l’Etoile Rouge de s’imposer
3-1 face au Cercle athlétique de Paris. Toujours présent sept ans
après, l’attaquant Paul Nicolas devient le premier joueur à
remporter quatre fois la Coupe avec le même club.
L'enfant du Red Star quittera Saint-Ouen un an après et ira terminer
sa carrière en Picardie, à Amiens.
Un rayon de
soleil perce le ciel orageux
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Le capitaine Georges Meuris |
A l'aube des
années 30, les temps sont plus durs pour le club banlieusard.
Confrontés de plein fouet au début du championnat
français de football professionnel, les Audoniens vont prendre la
fâcheuse habitude de "faire l'ascenseur" entre la première
et la seconde division. Incapables de retrouver les sommets en
championnat, les Vert et Blanc compensent avec la Coupe de France.
Entraîné par la légende argentine Guillermo Stábile échoueront
deux fois en demi-finale face à l’Olympique de Marseille en 1935
(2-3) et le modeste club du FCO Charleville en 1936 (1-2).
Paradoxalement le début de la Seconde Guerre mondiale coïncide avec
le retour du Red Star sur le devant de la scène. Devant un public
retrouvé (près de 10 000 spectateurs) et un duo Aston-Simonyi à
son apogée, le club de Saint-Ouen sort tour à tour Versailles
(10-0), La Roche-Rigault (5-2), Rouen (4-1), Bordeaux (2-1) et Reims
(1-0). La France est alors séparé en trois, et pour glaner la
précieuse Coupe, le Red Star doit remporter deux finales. La
première oppose les coéquipiers de Georges Meuris au Racing Club de
Lens, alors dans la zone interdite. Incapables de se départager (1-1
a.p.), Audoniens et Lensois doivent rejouer cette « petite
finale », finalement favorable au Vert et Blanc, 5-2. Le 17 mai
1942 se dispute à Colombes la finale de la Coupe de France entre le
Red Star (zone occupé) et Sète (zone libre). 44 654 spectateurs
sont massés au stade olympique Yves-du-Manoir, pour voir les
banlieusards venir à bout des Sétois, 2-0. Des réalisations de
Vandevelde (45’) et de Fred Aston (72’) permettent au Red Star de
glaner sa cinquième et dernière Coupe de France.
Quatre
ans plus tard, le Red Star retrouve le chemin de la finale après
avoir battu 3-2 son voisin du Stade Français en demi finale. Les
supporters de l'époque ne le savent pas encore mais cette finale de
Coupe face à Lille est la dernière des Audoniens. Malgré les 60
000 personnes massés dans l'enceinte de Colombes et les réductions
du score d'Albert Moulet (47ème) et Lucien Leduc (69ème), les
hommes d'Edmond Delfour n'ont jamais semblé en mesure
d'inquiéter la formidable armada lilloise qui s'imposer finalement
4-2.
Un amour
contrarié ?
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Naïm Sliti face à l'ASSE |
Depuis, le Red
Star a quelque peu perdu son lustre d'antan. Ballotté au gré des
descentes et des remontées au sein des différents échelons du
football français, les Audoniens ont de moins en moins l'occasion de
se frotter aux grosses écuries. Absent de la première division
depuis plus de 40 ans, l'Étoile Rouge peine également à tirer son
épingle du jeu en Coupe de France. Les derniers faits d'arme sont
peu nombreux. En 2012, le Red Star avait atteint les 32èmes de
finale contre l'OM (0-5), tandis qu'en 2000 et en 2015 il s'était
cassé les dents face à Lyon (1-2) et Saint-Etienne (1-2) en
huitième de finale... Cette année, le Red Star reçoit une
formation de Ligue 1 en 32ème de finale, le Stade Malherbe Caen. Mal
en point en Ligue 2, les hommes de Faruk Hadzibegic ne sont pas
favoris. Mais poussés par un stade Bauer à guichet fermé, ils
tenteront de créer l'exploit et de ravivez la flamme qui unis « Dame
Coupe » et l'Étoile Rouge.